Bureaux inoccupés : sont-ils la clé pour résoudre la crise du logement ?
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Face à la crise du logement en France, une possible solution fait de plus en plus parler d'elle : transformer les bureaux vides en logements. Ces espaces abandonnés pourraient bien devenir une réponse concrète à un problème qui touche des milliers de Français.
Non, l’idée n’est pas farfelue ! C’est même un sujet qui revient sur le devant de la scène à chaque crise immobilière (en 1990, le taux de vacance de bureaux atteignait 11 %) sans pour autant totalement être adopté. On décortique le phénomène.
Pourquoi les bureaux se vident-ils ?
La pandémie de Covid-19 n’est pas étrangère à ce phénomène, et pour cause, le télétravail s’est largement installé dans nos habitudes et nombre d’entreprises ont dû réévaluer leurs besoins en espaces professionnels. Selon une étude de la Banque de France, 15 % des salariés avaient adopté le télétravail post-Covid contre seulement 3 % en 2019 (source : Bulletin n°244-3 de la Banque de France - La conversion de l’immobilier de bureaux en immobilier résidentiel : quelles tendances après la Covid-19 et l’essor du télétravail ?).
Le télétravail a également réduit les besoins en espaces professionnels. Kevin Maruszak, directeur du développement national de la Foncière de Transformation Immobilière (FTI), a expliqué au journal Ouest France que la surface moyenne demandée par employé est passée de 15 m² il y a quelques années à seulement 5 m² aujourd’hui : “On préfère désormais moins de mètres carrés, mais mieux de mètres carrés.”
Pour répondre aux besoins de leurs employés tout en s’adaptant à leur réalité, certaines entreprises misent sur une rotation des bureaux. Il ne s’agit plus d’être "titulaire" de son propre espace de travail, mais de le partager avec des collègues voire de ne plus en avoir du tout et de s’inscrire en amont pour signaler sa présence un jour ou l’autre au sein de l’entreprise. Ces nouveaux modes de fonctionnement se traduisent par une réduction des espaces nécessaires, tout comme les dépenses des entreprises qui ré-adaptent leurs budgets pour accueillir leurs salariés.
Le constat français
Plus de 2 millions de m² de bureaux seraient vacants en France, dont 1,2 million en région parisienne. Ces chiffres, révélés par le Consortium des bureaux en France (CBF), un observatoire créé en 2023 par le promoteur immobilier Linkcity (filiale de Bouygues Construction), la foncière de transformation immobilière (FTI), filiale d’Action logement, et le spécialiste des données immobilières LA PLACE de l’immobilier, témoignent d’une réalité difficile à avaler pour certains en contexte de crise du logement.
Grâce à leur association, près de 180 millions de m² de bureaux ont été recensés en France. 89 millions de m² font partie du parc locatif marchand appartenant à des investisseurs privés parmi lesquels 9 millions pourraient être disponibles immédiatement et 2 de ces 9 millions de m² sont considérés comme étant des friches. Il s’agit généralement d’immeubles de plus de 1 000 m² vacants depuis plus de deux ans et pour lesquels aucune perspective n’est à ce jour envisagée. Autant dire qu’ils sont… à l’abandon !
Cette année, la Fondation Abbé Pierre a dénombré 4,1 millions de personnes mal-logées, c’est-à-dire privées de logement personnel et vivant dans des conditions précaires. Selon le CBF, ces bureaux vacants pourraient permettre d’héberger "près de 53 000 habitants à horizon cinq ans s’ils étaient transformés en logements". Pas suffisant, mais si c’était un début de solution ?
En région parisienne, le CBF a comptabilisé 166 immeubles entièrement vides, des espaces qui pourraient accueillir 32 000 personnes.
Que disent les lois et…
Selon Les Échos, ces "objectifs [NDLR : de transformation de bureaux en logements] qui n’avaient pas été atteints et qui paraissaient même irréalistes" ont cependant été accélérés après la crise sanitaire, poussant des entreprises à revoir leurs besoins.
Une proposition de loi déposée le 15 décembre 2023 et portée par le député Romain Daubié, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements a été adoptée par l’Assemblée Nationale à l’unanimité. Le Sénat a, lui aussi, ratifié cette proposition en mai 2024. Dans le texte, le député met en avant que le "taux d’occupation des bureaux a diminué de 5,4 %" depuis la pandémie de Covid-19 et que l’adoption de cette loi serait "bonne occasion pour atteindre les objectifs posés par la loi dite ‘Climat et résilience’".
En effet, réhabiliter un espace déjà construit réduit de moitié l’empreinte carbone comparativement à l’édification de bâtiments neufs. Mais pour que ces restaurations deviennent réalité, il faut aussi des mesures concrètes et efficaces qui facilitent leur mise en place.
… que montrent les faits ?
Dans le 14e arrondissement de Paris, un immeuble construit en 1947 ayant longtemps abrité des bureaux a été transformé en 20 logements sociaux de surfaces différentes (du T1 bis au T5). Ces habitations occupent cinq étages et une toiture-terrasse ainsi qu’une terrasse plantée permettant aux habitants de se retrouver.
Autre exemple parisien avec la tour Le Palatino imaginée en 1971 par l’architecte Jean Sebag et située dans le 13e arrondissement. Ces 16 000 m² de bureaux longtemps laissés vides ont trouvé un autre usage, celui de muter en 200 logements résidentiels et presque 350 habitations étudiantes.
À l’étranger, Amsterdam a déjà goûté à ce type de réhabilitation en transformant en 2012 un immeuble de bureaux des années 1960 en résidence étudiante de 245 appartements avec, au rez-de-chaussée, des commerces. À New York, c’est la même chose… Le One Wall Street, un bâtiment de 125.000 m² au cœur du quartier d’affaires Wall Street, a délaissé ses espaces bureaux pour y installer à la place 566 appartements et une surface commerciale de 16 000 m².
Outre ces quelques idées, nombre de projets de ce type pourraient être encore cités, en France comme ailleurs.
Avec une pression constante et croissante sur le logement, il est temps de repenser l’aménagement urbain. Les bureaux inoccupés ne sont plus synonymes d’espaces perdus, mais deviennent des opportunités de logements pour les villes qui en manquent. Bien qu’ambitieuses, ces transformations pourraient représenter une avancée majeure vers des villes plus durables et résilientes. Alors… ne serait-il pas temps de transformer et de faciliter ces espaces délaissés en solutions d'avenir ?