Comment bien visiter un bien immobilier pour éviter un impair ?

Un achat immobilier est une étape importante dans une vie, impossible de dire le contraire ! Alors autant visiter un bien sereinement, n’est-ce pas ? Maître Stéphanie Dujardin, avocate en droit immobilier, nous livre quelques clés pour éviter les mauvaises surprises après l’achat !
Le droit de l’immobilier englobe des sujets comme les conflits de voisinage, le droit de la construction, les conseils sur les baux d’habitation ou commerciaux, les acquisitions immobilières, les problématiques de construction, les malfaçons, les problèmes de copropriété, etc.
Rappelez-vous, dans notre article "Et si déplacer les meubles lors d’une visite vous aidait à avoir le coup de cœur ?", les avis étaient partagés, entre les acheteurs en peu timides et ceux qui estiment possible de "tout demander si c’est justifié". À écouter Maître Stéphanie Dujardin nous raconter le cas particulier d’une famille qui a acquis une maison et s’est trouvée face à un vice, il se pourrait bien que la prochaine maison que vous visiterez ne sera pas scrutée de la même façon…
Cas réel : quand acheter tourne à la désillusion
Au moment de son installation dans la maison, les clients de Maître Dujardin se rendent compte qu’un des murs donnant sur le garage a été enduit. Ce calfeutrage, conscient ou non, cache une immense fissure devant laquelle sont également placés divers gros objets.
Problème : la fissure n’est rebouchée que d'un côté du mur. De l’autre, elle est tellement importante que le jour est visible à plusieurs endroits où l’enduit s’est écaillé. La famille se questionne fortement sur l’énorme défaut et entame des démarches judiciaires.
Côté vendeur, ce dernier était au courant du vice, mais n’a pas pensé à l’évoquer, se disant peu inquiet par la fissure. Néanmoins, la question de la solidité de la maison se pose…
Désigné par le tribunal, un expert judiciaire, ingénieur en bâtiment, apporte l’éclairage essentiel à la problématique.
Verdict : il s'agit d'un vice de construction existant bien avant que le vendeur n’achète lui-même le bien. Le terrain étant mouvant et les fondations non reliées aux murs en raison d’un défaut de chaînage, l’apparition de fissure(s) était quasi-inévitable.
Mais alors, qui est responsable ?
S’il n’a pas construit la maison, le vendeur (et sa responsabilité !) peut être mis en cause et ne peut évidemment pas disparaître de l’affaire du jour au lendemain. Au moment de l’expertise, Maître Dujardin explique qu’”il doit pouvoir donner son point de vue."
Résultat : Maître Stéphanie Dujardin démontre que le vendeur n’est pas considéré responsable du vice, même si ce dernier est estimé "caché". Dans ce dossier, il existe une clause d’exclusion de garantie de vices cachés en promesse de vente. Pas de panique, on vous explique ! La présence de ce document lors d’une vente signifie que l’acquéreur ne peut pas se retourner contre le vendeur, ce dernier n'étant pas un professionnel de l’immobilier. Les frais d’expertise, à hauteur de 12 000 €, ont donc été à la charge de l’acheteur. S’ajoutent à cela le prix des travaux évalués à 55 000 € et le temps passé en procédure judiciaire.
S’il avait été prouvé que les vices cachés avaient été volontairement dissimulés, le vendeur aurait pu être mis en cause.
De plus, il faut savoir que dans le cas de vices cachés, le délai de prescription de droit commun est de 5 ans à compter de la découverte d’un vice caché, il est de 10 ans "si les désordres sont d’ordre décennaux qui touchent à la solidité de l’ouvrage".
C’est le demandeur d'une expertise qui doit régler les frais inhérents à cet acte. Mais, face à la justice, la personne condamnée devra assumer les frais de l’autre partie.
Alors quels pièges éviter avant d’acheter ?
En qualité d’experte sur le sujet, Stéphanie Dujardin nous livre quelques tips pour éviter d'acheter uniquement sur un coup de cœur, sans prendre le temps d’observer davantage le bien.
Si vous faisiez construire une maison, il est fort probable que vous viendriez sur place voir la progression des travaux, pour vous assurer du respect du cahier des charges ! Pour une visite, c’est la même chose : prenez le temps de considérer la bonne construction du bien, son état, sa solidité, etc.
Maître Stéphanie Dujardin estime que "les visites sont trop rapides" et qu’elles sont "réalisées avec le cœur". Dans le cas de ses clients, ce problème de fissure aurait pu être évité si la visite avait été effectuée "de façon plus éclairée".
Inspecter l’état général d’un bien est légitime ! Si le vendeur s’offusque voire refuse, c’est peut-être suspect. Vérifier les plafonds et les murs pour s’assurer de l’absence de fissures, d’humidité ou de traces de moisissures n’a rien d’extraordinaire, bien au contraire ! Mais ce n’est pas tout, il reste également opportun de vous assurer que les sols ne sont pas déformés, s’affaissent ou sont étrangement tachés. Pensez à questionner l’agent immobilier ou le propriétaire sur l’isolation thermique (double vitrage, portes…) et phonique et sur le bon état des menuiseries.
Quant aux équipements électriques et sanitaires, eux aussi sont à contrôler, surtout si aucune information ne paraît dans l’annonce !
Et puis, avant de vous engager, n’oubliez pas de demander à consulter les documents administratifs relatifs au bien comme le diagnostic de performance énergétique, le titre de propriété, l’attestation loi Carrez entre autres.
Dans certains cas, l’avocate en droit de l’immobilier explique qu’il est possible "d’aménager des clauses et d’en supprimer à condition qu’elles soient complètement légales et acceptées par le vendeur". Elle a pu rencontrer des cas où des expertises sur le bien ont même pu être menées avant d’aller plus loin dans une vente.
Autre astuce préconisée par Maître Dujardin : n’hésitez pas à visiter accompagné(e) d’un tiers ayant une connaissance étendue de la construction immobilière. Cela permettra de "visiter le bien comme vous le souhaitez et faire que l’autre personne puisse regarder, scruter". Vous pouvez aussi faire intervenir un professionnel du bâtiment (couvreur, plombier, maçon…) avant la signature de l’offre, le regard d’un expert est précieux pour envisager la suite !
En somme, Maître Stéphanie Dujardin conseille :
de relire la promesse de vente avant sa signature car il reste extrêmement compliqué de revenir en arrière lorsque la signature a eu lieu,
de discuter de points, en particulier au moment de l’offre comme demander de plus amples informations sur des travaux récents et éventuellement négocier le prix si des vices ont été décelés,
de prendre son temps pour visiter, il s’agit d’un gros investissement !
d’effectuer éventuellement des photos et de les dater pour prouver l’état d’un parquet, d’un mur, etc.
Eh non, visiter un bien immobilier ne se résume pas à une simple promenade de santé ! Il s’agit d’une analyse approfondie qui se veut essentielle pour vous éviter de futurs désagréments. Votre leitmotiv lors d’une visite doit être "Je prends mon temps et je suis méthodique". Et si vous doutez encore, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel !