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C'est quoi une ville où il fait bon vivre quand on est une femme ?

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Charlotte
Mis à jour le 9 août 2024
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En avril dernier, Femme Actuelle partageait le palmarès 2024 des villes où il fait bon vivre pour les femmes, un classement qui nous a donné envie de nous pencher sur la question : qu'est-ce qui fait qu'une ville est agréable à vivre pour les femmes ?

L'inégalité entre les genres se manifeste jusqu'à nos rues. Ce constat, souvent méconnu, nous a incités à comprendre comment nos espaces publics, pourtant essentiels à tous, se révèlent souvent exclusifs et générateurs d'injustices de genre.

La ville, berceau d’inégalités

L’aménagement urbain pensé par et pour les hommes

Si vous vous posiez la question en lisant ce titre, la réponse est non, la ville n'est pas un espace neutre. En réalité, elle est vécue différemment selon votre genre et, comme bien d'autres sujets, elle reproduit des inégalités longtemps ignorées.

De quoi parle-t-on exactement ? Si vous regardez bien autour de vous, vous remarquerez que les espaces publics extérieurs sont normés. Un phénomène qui, selon Pascale Lapalud, urbaniste-designeure et co-fondatrice de Genre et Ville, ne date pas d’hier : “Depuis le 19ème siècle, on a une ville extrêmement régulée, normative.”

Certes, avec le temps, les villes se sont transformées, mais l’aménagement urbain témoigne d’une mise à l’écart des besoins des femmes. Pour Corinne Luxembourg, enseignante-chercheuse en aménagement urbain, "la ville est faite pour un homme d’1 mètre 80, Bancs, chaises, tables… depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout est normé, à destination d’une personne athlétique, bien portante, sans handicap.", comme elle l’explique-t-elle au magazine Femme Actuelle.

Il y a aussi une question de légitimité. Pascale Lapalud, lors du cycle de conférences “Présent.e.s, la place des femmes dans l’espace public”, précise que “le 19ème siècle a séparé la sphère publique et la sphère privée. La sphère publique appartient aux hommes et la sphère privée aux femmes. On a remis les femmes dans la sphère privée.” Cela pose problème, car les femmes perdent leur légitimité à être dans la sphère publique et subissent alors des injonctions : comment doivent-elles se vêtir, se tenir, s'asseoir, etc.

Prenons l’exemple des toilettes. Vous pourriez ne pas saisir le parallèle, et pourtant il est bien là, comme l’illustre Corinne Luxembourg : "Une femme enceinte ou qui a ses règles, et plus encore quand elle vieillit, a besoin d’aller aux toilettes publiques." Le problème, c’est qu’avec le temps, dans certaines villes, les installations sanitaires disparaissent ou sont inexistantes. Comme les tables à langer et les zones d'allaitement, ce qui limite l'utilisation des espaces publics par les femmes, en particulier celles avec de jeunes enfants.

Et en parlant d’installations, ce ne sont pas les seules à être inadaptées. Les femmes ont souvent moins accès aux espaces verts et aux parcs, situés dans des zones mal desservies par les transports publics ou peu éclairées la nuit. Car la nuit présente un autre problème, celui de la sécurité.

La ville, espace d'insécurité pour les femmes ?

Quand on essaie de comprendre pourquoi l’urbanisme n’est pas en faveur des femmes, la sécurité est souvent la première chose qui vient à l'esprit. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : une enquête du Défenseur des droits en 2021 révèle qu'une femme sur cinq a été victime de harcèlement sexiste ou d'agression sexuelle dans l'espace public. Dans les transports, 87 % des femmes usagères déclarent avoir été victimes de harcèlement, d’agression sexuelle ou de viol au moins une fois dans leur vie, selon le site du gouvernement. Ce sentiment d'insécurité est particulièrement présent la nuit ou dans les zones isolées.

Pour Yves Raibaud, cette insécurité pousse les femmes à s'effacer, surtout après la tombée de la nuit. "Des études montrent que, sur cinq personnes marchant seules la nuit tombée, il y a quatre hommes et une femme. Il y a là une gigantesque inégalité d’accès à l’espace public."

La conséquence ? Les méthodes de locomotion des femmes varient considérablement selon l'heure de la journée. Un sondage OpinionWay pour Lime de juin 2024 montre que les femmes utilisent la voiture personnelle pour 39 % de leurs déplacements en journée, mais ce chiffre grimpe à 60 % la nuit. De même, si 34 % des femmes se déplacent à pied en journée, elles ne sont plus que 9 % à le faire la nuit. Ce changement de mode de transport leur procure un plus grand sentiment de sécurité. En effet, 81 % des femmes déclarent marcher plus vite la nuit et évitent les zones isolées, préférant les grands axes où elles sont certaines de croiser du monde. Elles sont aussi 79 % à avoir déjà modifié leur trajet pour éviter une personne perçue comme dangereuse.

Ces contraintes affectent non seulement leur manière de marcher, mais aussi de s'habiller, restreignant silencieusement le droit de sortir. Ainsi, les femmes traversent la ville plutôt que d’en profiter pleinement.

À chacune ses techniques…

Face à l'insécurité qu’elles ressentent lors de leurs déplacements nocturnes, les femmes développent des stratégies pour se protéger et n’hésitent pas à en discuter ouvertement entre elles. Laura se rappelle d'une conversation avec une collègue après une conférence en soirée : “On partageait nos conseils de nanas pour rentrer. Et on avait toutes les deux en tête de porter des baskets, quand on rentrait la nuit, car si on avait besoin de courir, on était équipées.”

Même son de cloche pour Juliette “Quand je rentre tard et que je prends les transports, j'ai toujours mes écouteurs, mais je ne les utilise pas pour écouter de la musique.” Derrière cet acte anodin se cache une “technique” bien connue des femmes : “Cela me permet de donner l'impression d'être occupée tout en restant vigilante aux bruits autour de moi. Et comme ils sont sans fil, je peux, si nécessaire, courir sans être gênée.”

Ce n’est pas tout. Fin 2021, une tendance a émergée sur les réseaux sociaux où les femmes partagaient leurs stratégies pour éviter le harcèlement nocturne dans les rues. Ce comportement, spécifique au genre féminin, en dit long sur notre rapport à la ville.

Alors que les préoccupations écologiques poussent certaines villes à réfléchir à supprimer la voiture dans les villes, Yves Raibaud souligne que ces initiatives pénaliseraient particulièrement les femmes. "Cela pénalise les femmes, qui s’occupent à 75 % d’accompagner les personnes âgées, les enfants, les handicapés." Car la réalité, c’est que les exigences quotidiennes ne sont pas les mêmes pour tous. "Les femmes se déplacent rarement pour elles-mêmes", constate Yves Raibaud.

Toujours pour des raisons écologiques, le vélo est souvent mis en avant dans les municipalités. Cependant, l'absence de pistes cyclables sécurisées, d'éclairages publics adéquats décourage les femmes d'utiliser certains modes de transport.

L’inégalité jusqu’aux noms de rue
Parcourez les rues de votre ville, lisez les plaques bleues... Combien de femmes y a-t-il commémorées ? Bien moins que les hommes ! Comme l’a souligné Yves Raibaud dans son essai La ville est faite pour et par les hommes (2015), cette disparité n'est malheureusement pas un hasard.

Même en plein jour, les infrastructures urbaines ne sont pas toujours adaptées aux besoins des femmes. Prenons l'exemple des trottoirs : il est évident qu'ils ne sont pas toujours conçus pour faciliter les trajets avec une poussette. Cela est d'autant plus problématique lorsque l'on sait que, selon une étude de l'Observatoire des familles en 2020, 67 % des enfants en France sont récupérés à l'école par leur mère, contre 33 % par leur père.

En matière de circulation piétonne, un phénomène notable est que lorsqu'un homme et une femme se croisent sur un trottoir, c'est souvent la femme qui s'écarte pour laisser passer l'homme. Faites le test, c’est édifiant.

Mais ce n’est pas tout. Les recherches menées par l’association Genre et Ville montrent que les femmes sont aussi exclues dans les installations des espaces publics, tout étant une question de budget (nous y reviendrons plus tard). Yves Raibaud, géographe spécialiste de la géographie du genre, souligne que "entre 75 et 90 % des budgets publics financent des activités à vocation masculine".

Attention, si les femmes ne sont pas les bienvenues dans l'espace public en raison des normes, tous les hommes ne le sont pas non plus. Comme le souligne la géographe du genre, Edith Maruéjouls, "tous les hommes ne sont pas chez eux dans l’espace public. Quand ils sont en surpoids, handicapés, qu’ils ont des besoins spécifiques ou sont plus âgés, ce n’est pas le cas. Et quand on étudie la ville du point de vue des femmes, leur situation s’améliore également".

Tout cela relève aussi de la politique. Ce sont nos élus qui votent les budgets et les projets d'aménagement urbain. Pourtant, quand les professionnelles abordent les questions de genre, cela n’est pas toujours pris au sérieux. La journaliste et hôte du podcast “La Poudre” Lauren Bastide met bien en évidence ce point : "On doit toujours se justifier et apporter des preuves. Cela passe aussi par le fait que dans nos métiers, tout se finance. Si vous voulez traiter ces questions-là, il va falloir ajouter du budget."

… et d’engagement politique

Ce que l’on observe dans les villes qui œuvrent davantage pour les femmes, c’est leur représentation politique. Pour assurer une meilleure égalité des genres, il faut aussi et surtout des femmes aux postes de décision. Et il reste beaucoup à faire : sur les maires des 50 plus grandes villes de France, seules douze sont des femmes. À l’échelle de l’Hexagone, seulement 20 % des maires des 34 935 communes françaises sont des femmes. Alors comment adapter la ville si ceux qui la dirigent n’ont pas conscience de ses inadaptations pour les femmes ?

Prenons l’exemple des loisirs. En majorité, les budgets publics destinés aux loisirs des jeunes favorisent les garçons et encouragent leur appropriation de l’espace public. Yves Raibaud, partageait au magazine Suisse Le Temps : “On considère d’intérêt général que les jeunes garçons puissent libérer leur énergie sur un terrain de football ou un skatepark, des espaces dont on ne dit jamais qu’ils sont non mixtes mais qui, de fait, sont des terrains masculins.”.

Il en est de même dans les cours d’école. “À l’école, le terrain de foot est souvent situé au milieu de la cour et accaparé par les garçons. Les filles apprennent à esquiver, à pratiquer des jeux qui ne prennent pas de place. Cet aménagement est porteur de sens, il construit l’inégalité en inscrivant dans l’éducation que les garçons sont au centre et les filles en périphérie.”

Les filles aimeraient-elles moins le sport ? On leur attribue souvent cette idée, mais la réalité est différente.Lorsqu’on les interroge, elles racontent des expériences douloureuses d’exclusion et de moqueries.” précise Yves Raibaud. Les dépenses des municipalités doivent donc être plus inclusives pour que des projets concrets puissent voir le jour.

La budgétisation sensible au genre (BSG) est une méthode pour y parvenir. Elle intègre la perspective de genre dans tout le cycle budgétaire, analysant l’impact différencié des dépenses et des recettes des budgets publics sur les femmes et les hommes. Le Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes, a publié un guide en 2015 pour aider les professionnel(le)s de la santé, élu(e)s, agent(e)s des collectivités et de l’administration à mettre en place cette méthodologie.

Le budget genré permet aux municipalités de prendre conscience de l’injuste redistribution de l’offre publique de loisirs et donc de l’impôt. Il s’agit de lire le budget sous l’angle du genre, afin de cibler progressivement les inégalités. Les marches de femmes – consistant à arpenter un quartier en groupe, pour y repérer des lieux à réaménager, et apporter un diagnostic – font aussi partie des outils d’une bonne démocratie participative: elles apportent une expertise différente dans les villes qui ont été construites par des hommes entre 40 et 70 ans, de classe supérieure et à la peau blanche.
Yves Raibaud au magazine “Le temps”

Les démarches pour plus d’inclusivité

Les choses évoluent, notamment en France. Depuis 2014, les collectivités de plus de 20 000 habitants doivent publier chaque année un rapport sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette obligation pousse les villes à s'interroger sur la pertinence de leurs infrastructures sportives ou sur leur soutien à diverses associations culturelles.

Cela permet aux municipalités de mieux comprendre et de répondre aux besoins réels. Souvent, cette prise de conscience résulte du travail des associations qui apportent une perspective plus claire et plus juste sur la situation.

Le changement commence également à l’école. Comme mentionné précédemment, les cours de récréation sont souvent genrées. Pour y remédier, la municipalité de Rennes a pris une initiative intéressante. À l’école Pascal Lafaye, le terrain de jeux de balles a été réduit et déplacé pour laisser place à de la végétation, un parcours de motricité et un mur d’escalade. Et ça marche ! Les enfants apprennent à partager l'espace, ce qui est essentiel pour construire une société mixte où filles et garçons jouent et dialoguent ensemble.

Il en va de même pour les espaces urbains. En répondant aux besoins des femmes, en les écoutant et en adaptant leur environnement, on leur permet de vivre pleinement la ville plutôt que de la contourner. D’ailleurs, les villes les mieux classées dans le Palmarès Femme Actuelle des villes où il fait bon vivre pour les femmes mettent en place des initiatives en matière de sécurité, de santé et de voirie pour inclure pleinement les femmes dans leur tissu urbain.

Quels sont les critères pris en compte pour établir ce classement ? 21 critères ont été passés au peigne fin, comme la qualité de vie, la sécurité, l’accès aux soins médicaux, la disponibilité de places en crèche ou encore l’implication dans la vie politique locale, le réseau de transports en commun, la pollution et le prix des loyers.

Parce que les inégalités touchent aussi bien les aspects socio-économiques que les questions environnementales.

Strasbourg, ville française est la plus accueillante pour les femmes

Parmi toutes les villes françaises, il y en a une qui semble avoir trouvé la formule magique pour créer un espace où les femmes se sentent vraiment bien. C’est ce que révèle le Palmarès Femme Actuelle des villes où il fait bon vivre pour les femmes.

Après 12 mois d’enquête et l’étude de 50 villes selon 21 critères, le verdict est tombé : Strasbourg se distingue comme la ville qui en fait le plus pour les femmes.

Qu’est-ce qui fait la différence ?

La politique des élu(e)s de Strasbourg se distingue par son engagement en faveur de l'égalité des genres. Dès 1991, avec l’élection de la maire socialiste Catherine Trautmann, la ville a commencé à "adapter les équipements (jardins d’enfants, heures d’ouverture des bibliothèques…), trop souvent conçus sans tenir compte des contraintes des femmes", comme elle l'a expliqué au Monde.

Dix ans plus tard, cette dynamique s'est poursuivie avec l’élection de la maire de droite Fabienne Keller, qui a créé une Commission pour les droits des femmes au sein de la municipalité. En 2008, Roland Ries a continué à renforcer cet engagement en nommant Mine Günbay adjointe chargée du droit des femmes, laissant une empreinte durable sur l’histoire de la ville. Strasbourg est ainsi devenue un modèle avec son engagement en faveur des droits des femmes.

Et les autres villes ?

Si la ville de Noël est première sur le podium, d’autres villes ont mis en place des initiatives qui le valent d’être dans les dix premières du palmarès : 1 - Strasbourg 2 - Rennes 3 - Bordeaux 4 - Lyon 5 - Nantes 6 - Dijon 7 - Paris 8 - Angers 9 - La Rochelle 10 - Tours

Comment ça se passe à l’étranger ?

La question dépasse largement les frontières françaises. De nombreuses municipalités ont entrepris des actions concrètes pour aborder cette problématique de front.

À Vienne, Autriche, dès 2014, un programme d'audit de genre a conduit à des initiatives telles que des pistes cyclables plus sécurisées, un meilleur éclairage des espaces publics et la construction de logements abordables adaptés aux familles.

En Colombie, à Bogota, un système de transport en commun express réservé aux femmes a entraîné une augmentation de 15% de leur participation aux réunions publiques dans les quartiers desservis.

À Mexico City, des wagons réservés aux femmes ont été introduits dans les métros et bus dès 2007 pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les transports publics. Ces espaces signalés par des panneaux roses et violets offrent une alternative plus sûre aux femmes et aux personnes LGBTQ+. Même si les villes sont historiquement conçues pour les hommes, peu à peu, les municipalités prennent des mesures pour promouvoir une urbanité plus inclusive. La mise en œuvre de ces initiatives, bien que longues (elles peuvent prendre généralement plusieurs décennies) ont le mérite d’exister et de faire avancer les choses.

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