Pourquoi la cave continue de nous hanter ? (même quand on n’en a pas)
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Descendre à la cave est toujours un acte qui s’accompagne d’une petite tension : on allume la lumière, on retient son souffle sur les premières marches, on tend l’oreille. Pourquoi cet espace souterrain provoque-t-il ce mélange de curiosité et d’angoisse ? Quel rapport entretenons-nous avec cette pièce souterraine ? Dans ce nouvel article Immo’tion, on décrypte pour vous cette pièce chargée de fantasmes et de peurs.
La cave : ce lieu qui manque aux Français
Peut-être car la cave est d’abord une pièce à dimension “pratique”. Un espace pour stocker tous ces objets qu’on n’utilise pas au quotidien : vêtements de ski, planche de surf, armoire de grand-mère, bouteilles de vin, conserves de confiture, rollers, raquettes de tennis, cartons jamais ouverts depuis le dernier déménagement… (entourez les propositions qui vous correspondent).
Pour aller plus loin : De combien de mètres carrés avons-nous besoin pour vivre ?Des souvenirs à l’abri des regards
D’ailleurs, tous ces espaces secondaires ont une chose en commun : ils sont “hors champ”, presque invisibles depuis les pièces de vie principales, et permettent de cacher les secrets les plus intimes à l'abri des regards.
Hélène, Parisienne de 31 ans, voit la cave comme un lieu de stockage, mais surtout d’attente :
“Pour moi, la cave est l’archive de ma vie non triée. C’est une pièce en attente, comme un dossier fourre-tout sur le bureau d’un ordinateur : j’y conserve des objets en attendant d’avoir un plus gros logement, des souvenirs d’une relation passée en attendant la nouvelle, des papiers qui datent d’il y a 15 ans en attendant d’être sûre que je peux les jeter… C’est une pièce de transition”
C’est une mémoire à l’état brut : désordonnée, silencieuse, dans l’attente d’un tri ou d’un changement. Et c’est peut-être cela que beaucoup regrettent en la perdant : un espace où le passé peut exister sans justification.
Mais la cave n’est pas seulement un espace de stockage. Froid, brut, c’est aussi un lieu symbolique, théâtre discret de nos peurs les plus profondes.
Territoire de l’ombre, descente initiatique : pourquoi la cave fait peur ?
La cave est l’un des derniers espaces domestiques à échapper à la rationalisation moderne. On n’y vit pas : on y passe, on y descend. Et déjà ce verbe “descendre” dit quelque chose : la cave est un espace du bas, du souterrain, de l’invisible.
Le cinéma l’a bien compris. De The Conjuring à The Evil Dead ou Fight Club, la cave devient le lieu de bascule, là où surgissent les vérités enfouies, les secrets, les monstres tapis, nos parts inconscientes. L’enfant en nous s’en souvient : une ampoule qui clignote, une porte qui grince, un silence trop lourd.
Daniel, 67 ans, habitant à Poitiers, se rappelle :
“Quand j’étais enfant dans les années 60, il arrivait que mon père me demande d’aller chercher une bouteille de vin à la cave. J’étais toujours terrifié de descendre dans cet espace sombre et froid. Je remontais toujours quatre à quatre l’escalier en pierre pour vite retrouver la lumière de la maison, il arrivait parfois qu’une bouteille en fasse les frais en se brisant contre les marches !”
Dans La Poétique de l’Espace, le philosophe Gaston Bachelard décrit la cave comme la “demeure de l’être ténébreux en nous”. Elle représente le refoulé, les pulsions, l’instinct, là où le grenier symbolise l’intellect, la lumière, l’idéal.
On pourrait y voir une descente initiatique, comme dans les récits mythologiques : Orphée cherchant Eurydice, Dante traversant les cercles de l’Enfer. Tous ces personnages doivent affronter une épreuve obscure pour remonter transformés.
Et nous, quelles épreuves devons-nous affronter dans la cave de notre vie ?
Peut-on apprivoiser la cave ?
Ce que nous regrettons, ce n’est peut-être pas tant la pièce elle-même que la liberté qu’elle autorise. La liberté d’y entasser sans expliquer. D’y déposer sans trier. D’y laisser vivre un peu de désordre, sans justification.
Un lieu symbolique où l’on s’autorise un peu de chaos dans une époque où tout doit être beau, utile et organisé comme sur Instagram ou Pinterest.
D’ailleurs, on peut la ranger, l’assainir, l’équiper de capteurs connectés, mais la cave résistera toujours. Il y fera toujours plus brut, plus sombre, plus sale qu’ailleurs, comme si elle échappait en quelque sorte à l’esthétique…
Fantômes ou non, la cave est un atout indéniable dans une transaction immobilière.
Qu’il s’agisse d’un appartement ou d’une maison, la présence d’un espace en sous-sol, même partiel, séduit une majorité d’acheteurs pour ses usages très concrets : stockage, bricolage, aménagement d’un atelier… Un plus souvent décisif lors des visites, qui peut justifier une valorisation du prix de vente.
- Du côté des investisseurs, la cave s’impose comme une opportunité à part entière. Ces petites surfaces, peu coûteuses à l’achat, se louent désormais facilement, notamment pour un usage de garde-meubles. Une demande en forte croissance dans les zones urbaines.
Pour autant, on ne peut nier que la cave peut aussi dégager un certain charme, Michaël, 42 ans, ne dira pas le contraire :
“J’ai complètement flashé quand j’ai découvert les voûtes en ogives dans la cave dans notre nouvelle maison de campagne. Ça a même réveillé une certaine obsession, persuadé qu'il y a là l'entrée d'un souterrain… On s’est même mis à creuser avec des copains en quête d’un trésor (rires). Ça fait bien rire ma femme !”
Peut-être avons-nous besoin de caves, physiques ou symboliques, pour préserver cette part d’inconnu, de foutoir, de rêves en nous. Et vous, quels secrets rangez-vous dans votre cave ?
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