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Crise climatique, économie incertaine, nouveaux modes de vie : serons-nous encore proprio en 2025 ?

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Marion
Rédigé le 19 mars 2025
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Longtemps perçue comme un gage de stabilité et de sécurité, la propriété immobilière va-t-elle devenir obsolète en 2050 ? C’est ce que Fabienne Goux-Baudiment, prospectiviste, nous aide à comprendre dans un entretien inédit. Entre instabilité économique, urgence climatique et nouvelles valeurs portées par les jeunes générations, quelles transformations le modèle de la propriété va-t-il connaître dans les 25 prochaines années ?

Un changement de paradigme générationnel

“Le monde qui se dessine ne sera pas le monde qui a existé”

Nous traversons actuellement une grande période de transition civilisationnelle, semblable à l'invention de la roue, du feu ou de l'écriture. Wow, rien que ça !

Ce n’est pas nous qui le disons, mais Fabienne Goux-Baudiment, prospectiviste, dont la mission est d’identifier et d’analyser les tendances émergentes pour définir leurs impacts dans la prise de décision des individus et des gouvernements.
Fabienne Goux-Baudiment

Diplômée de sciences politiques et Docteur en sociologie, Fabienne Goux-Baudiment est la fondatrice et directrice du cabinet de conseil, spécialisé dans la recherche et l’analyse de la prospective. Membre active de la communauté internationale de la prospective, elle a présidé la Wold Futures Studies Federation de 2005 à 2009 et la Société Française de Prospective de 2013 à 2016. Conférence reconnue, elle a notamment animé à plusieurs reprises des TedX sur la grande transition et les enfants de Darwin.

L’experte insiste sur la rupture majeure qui est en train d‘avoir lieu entre les générations : “Les grandes structures qui nous ont permis d'évoluer au cours des 7 000-8 000 années sont en train de changer de manière drastique (...)”

D’un côté, nous avons la génération des baby-boomers qui incarne ce monde en train de s'éteindre, pour laquelle la propriété faisait office de passage obligé afin de construire et transmettre son patrimoine.

De l’autre côté, on observe les générations nées après les années 80 (générations dites "aliens" car elles sont étrangères aux anciennes générations, notamment en termes de valeurs) et qui adoptent une approche très différente dans leur rapport à la propriété :

  • Elles ont une conscience écologique : ce sont des générations qui ont grandi avec le changement climatique et qui ont intégré ses bouleversements. Elles sont conscientes des enjeux climatiques et savent qu’il est possible de perdre sa maison à cause d’une crue, d’une tempête, d’incendies…
  • Elles sont conscientes de l’instabilité de notre société : le monde actuel est vulnérable, incertain, critique. Les jeunes générations ont bien conscience de cette fragilité du système économique et social qui rend l’avenir très instable.

Un nouveau rapport à la propriété

Cette pluralité d’insécurités environnementales, économiques et sociales entraîne des mutations profondes dans la relation à la propriété des jeunes générations. Trois facteurs les distinguent, selon l’experte :

  • Vision court-termiste : L’achat d’un bien immobilier nécessite une capacité à se projeter dans le temps en termes de vie de famille, de santé économique, d'écologie… Or, les jeunes générations ne peuvent plus se projeter à 25 ans ! Elles ont une vision à court terme (5-8 ans), bien loin des baby boomers qui achetaient leur maison pour toute la vie.
  • Adaptation : la nouvelle génération a un rapport à la propriété beaucoup plus flexible car elle a conscience de la volatilité du patrimoine. Elle va donc se tourner vers des achats immobiliers uniquement si elle a la garantie de pouvoir revendre facilement et sans perdre d’argent.

  • Innovation : l’achat immobilier en couple n’est plus le seul modèle pour accéder à la propriété. Les jeunes générations n’hésitent pas à co-investir entre amis, par exemple en SCPI.

…et à l’habitat de manière générale

Cette génération est dite “liquide” selon le sociologue Zygmunt Bauman. Il évoque cette liquidité dans leurs comportements, privilégiant notamment la mobilité, l’adaptabilité et la consommation d’accès (location, partage) plutôt que l’accumulation patrimoniale traditionnelle.

Ce concept s’applique particulièrement à leur rapport au logement, qui devient un service plus qu’un bien à posséder.

Le saviez-vous ?

“La seule chose qui n’a pas changé en 5 000 ans, c’est l’hydrotropisme : on s’installe là où il y a de l’eau”. - Fabienne Goux-Baudiment

En effet, une partie de la nouvelle génération s’affranchit, à différents points de vue, de ce mode de vie classique sédentaire :

  • Frugalité : En rupture avec la société de consommation, certains jeunes refusent de posséder leur propre logement, comme les adeptes du mouvement qu'on appelle “lean fire”. Ils logent chez les copains, la famille, alternant voyages et courtes périodes de sédentarité chez leurs proches. Dans ce contexte, la maison familiale devient souvent un refuge où se ressourcer entre plusieurs points de chute.
  • Clé en main : Leur vision court-termiste se révèle également dans leur désir de logements meublés "clé en main", dans lesquels on peut simplement venir avec sa valise et déléguer les tâches du quotidien à des sociétés de gestion (changer une ampoule, régler un problème de plomberie…). Ils ne veulent plus s’encombrer, ni investir des lieux avec des travaux, de la personnalisation.

  • Redéfinition de la frontière vie domestique et travail : Le télétravail a bousculé nos modes de vie, invitant le boulot à la maison. L’enjeu futur sera de concevoir un immobilier dans lequel on peut intégrer cette dualité travail et vie domestique. Fabienne Goux-Baudiment évoque par exemple un projet d’immeubles avec une façade domestique au sud, et de l’autre côté, au nord, une façade bureaux, avec des entrées séparées.
Technologie galopante et rapport à la propriété ?

Fabienne Goux-Baudiment souligne le rôle de l'évolution technologique dans notre vision de la propriété :

“D’ici vingt ans, des "hommes synthétiques”, ces robots ultra évolués, feront partie de notre quotidien et de nos logements. On aura des capteurs partout dans nos maisons, qui nous informeront en temps réel si une ampoule est en fin de vie par exemple et qu’il faut la changer. Cette génération se prépare à d’importants bouleversements technologiques”.

Quels conseils pour bien investir en 2025 ?

  • Considérer l'impact climatique : Les zones sûres en 2050 ne seront pas celles d’aujourd’hui ! La valeur future d’un bien sera directement liée au changement climatique, il est donc crucial d’intégrer ce facteur si on souhaite acheter. Évitez les zones caverneuses, trop chaudes, à risque d’inondation… pour privilégier des climats plus doux comme le Plateau des mille vaches, le Limousin ou la Creuse. De très très beaux investissements seront à faire dans ces zones, on dit ça, on ne dit rien…
  • Prendre en compte la mobilité des populations : La pression migratoire et l’accès réglementé à certaines zones influencent les prix.

  • Adapter son investissement à la temporalité : Souhaite-t-on faire un investissement à court, moyen ou long terme ? Est-on attaché à un lieu en particulier ? Aux racines familiales ? À son travail ? Plus que jamais, il sera important de se poser les bonnes questions avant d’investir.

  • Accepter la volatilité : Garder un bien toute sa vie, c’est fini ! Il va falloir apprendre à vivre dans cette volatilité.

Loin de disparaître, la propriété immobilière se réinvente, comme le démontrent les travaux de recherches de Fabienne Goux-Baudiment. Pour autant, il est important de souligner que même au sein des jeunes générations, certains demeurent attachés à la notion de propriété, souvent en raison d'une quête de sécurité financière et émotionnelle. La maison avec jardin, par exemple, continue de représenter un idéal, reflet de valeurs profondément ancrées.

Face aux multiples évolutions en cours, il est nécessaire de comprendre que la transition vers de nouveaux modes de vie ne se fera pas sans résistances et questionnements, et qu’une certaine forme de propriété pourrait continuer d'occuper une place dans l’imaginaire collectif.

Alors, plutôt propriétaire ou nomade sans attache ? Serial investisseur à court terme ou bâtisseur sédentaire ? Quelle place allons-nous accorder à la propriété dans les années à venir ? La notion de “propriété” au sens traditionnel fera-t-elle encore sens dans 25 ans ? Ou allons-nous devoir complètement réinventer notre rapport à l'habitat face aux enjeux économiques, écologiques et technologiques ?

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