À Paris, pour acheter vous devez gagner 134 % de plus qu’il y a 20 ans

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Vous rêvez d’acheter un petit cocon dans la capitale ? Attention, cette plongée dans les chiffres risque de piquer un peu. En deux décennies, le marché parisien a pris l’ascenseur – sans jamais redescendre. Résultat : pour s’offrir un 40 m² en 2023, il fallait gagner plus du double de ce qu’il fallait en 2003. Oui, vous avez bien lu.
Mais pourquoi une telle envolée ? Et surtout, qui peut encore suivre le rythme aujourd’hui ? On décrypte ça ensemble, chiffres et calculs à l’appui.
Le choc des générations immobilières
Imaginez un instant : nous sommes en 2003, le Nokia 3310 trône fièrement dans nos poches, et pour devenir propriétaire d’un 40 m² à Paris, il « suffit » de gagner environ 3 500 € brut par mois (soit 42 000 € par an), d’après un rapport de l'ONG OXFAM paru en 2023. Pas donné, certes, mais encore accessible pour pas mal de jeunes cadres.
20 ans plus tard ? Même surface, même ville… mais il faut désormais afficher un revenu mensuel brut de plus de 8 125 € (97 500 € par an) toujours selon le rapport de l’OXFAM. Soit une hausse de 132 % du revenu requis.
La question vous brûle probablement les lèvres : comment on en est arrivés là ?
La folle ascension des prix parisiens
Ce n’est pas qu’une impression. Les prix de l’immobilier à Paris ont littéralement explosé entre 2003 et 2023.
D’après un article du quotidien des Echos datant de 2003, à cette époque, le prix au mètre carré était de 4 300€ En 2023, on dépasse les 10 000 €/m², atteignant précisément 10 090€/m² au troisième trimestre selon la Chambre des notaires de Paris.
Résultat : +134 % en 20 ans. De quoi donner le tournis à n’importe quel acheteur.
Comment expliquer une telle flambée ? Plusieurs facteurs ont joué un rôle clé dans cette augmentation :
Une demande toujours très forte… pour une offre qui, elle, reste limitée. Paris ne s’agrandit pas.
Des taux d’intérêt historiquement bas pendant une bonne partie des années 2010, qui ont mécaniquement dopé la capacité d’achat des acheteurs.
- Une ville toujours plus attractive pour les investisseurs, qu’ils soient français ou étrangers.
L’effet sur le pouvoir d’achat immobilier
Quand on parle de pouvoir d’achat immobilier, on parle de la surface qu’on peut acheter avec un certain revenu. Et autant dire qu’à Paris, ce pouvoir d’achat a fondu comme neige au soleil avec le temps.
Prenons un exemple simple : le salaire médian net en Île-de-France.
En 2003, il s’élevait à 1 483 € brut par mois selon l’INSEE. Cette année-là, le prix moyen du mètre carré à Paris était de 4 300 €.
En 2023, le salaire net en Ile-de-France est de 2 640 € (selon les chiffres de l’INSEE). Mais le prix du mètre carré, lui, a explosé à 10 090 € au troisième trimestre selon la Chambre des notaires de Paris.
Autrement dit, si Mathilde pouvait espérer acheter un petit studio de 22 m² en 2003 (avec un apport de 5 000 €, un taux moyen pour l’époque de 4,09 % et sans compter le coût de l’assurance), en 2023, elle peut acheter un studio de 17 m² avec un taux de 3,04 %.
Le marché s’est clairement déconnecté des revenus, en particulier de ceux des classes moyennes et populaires. Et ce n’est pas qu’une spécificité parisienne : selon l’Insee, les prix de l’immobilier ont été multipliés par 2,7 en France entre 2000 et 2023. Mais à Paris, c’est encore plus marqué (×2,94). Conséquence ? Une part croissante des ménages est poussée hors de la capitale, tout simplement parce qu’ils ne peuvent plus suivre.
Pour acheter un 40 m² à Paris en 2023 (soit un appartement à 403 600 euros), sans dépasser les règles imposées par le HCSF (le Haut Conseil de Stabilité Financière), il fallait cocher plusieurs cases, et pas des moindres. Ces règles ? Trois points à respecter : un taux d’endettement inférieur à 35 %, une durée de crédit de 25 ans max, et des revenus stables. Et dans les faits, ça donne quoi ?
Gaston et Jasmine veulent acheter leur premier appartement dans Paris. Avec les prix au mètre carré en 2023, leur budget est de 403 600 euros. Pour concrétiser leur projet, ils doivent apporter 40 000 euros, soit 10 % du prix du bien visé. Combien doivent-ils gagner pour financer cet achat ?
Un revenu net d’environ 5 440 € par mois (oui, net), pour respecter le fameux plafond de 35 % d’endettement.
Mensualité maximum (avec un taux à 3,04 % sur 25 ans hors assurance) : 1 904 €
Un apport de 120 % minimum, soit environ 40 000 € pour un bien à 403 600 €. (On estime que les frais de notaire coûteront 31 980 € au couple + 3 998 € de frais de garantie).
En plus, le couple doit avoir une situation professionnelle ultra-stable, CDI évidemment, et un reste à vivre jugé « solide » par les banques. En clair, le profil type, c’est un cadre sup’ à deux revenus, une profession libérale bien installée, ou un acquéreur qui peut compter sur un bon coup de pouce familial (merci les donations ou les héritages).
Le cœur de la classe moyenne ? De plus en plus souvent exclu. Même les jeunes diplômés bien payés peinent à passer la porte sans aide extérieure. Bien sûr, tout ceci peut varier selon l’arrondissement, le type de bien, le profil de l’acheteur… mais cela vous donne un bon ordre de grandeur.
Et en 2025 ? Vers un léger mieux… mais pas pour tout le monde
Après des années de tension, le marché parisien semble entrer dans une phase d’accalmie en ce printemps 2025. Rien de spectaculaire, mais des indicateurs qui laissent entrevoir des améliorations pour les acheteurs.
Côté prix, la pression se relâche clairement. Les dernières données notariales (avril 2025) montrent une hausse annuelle modérée de +1,0 %. Une première après trois trimestres consécutifs de baisse, qui confirme une forme de stabilisation – à défaut d’un vrai rebond.
Pour donner un ordre d’idée :
3,04 % sur 25 ans (contre 2,86 % en mars)
2,99 % sur 20 ans (contre 2,81 % en mars)
« Les conditions sont a priori réunies pour une reprise de l’immobilier, » analyse Thomas Lefebvre, directeur scientifique chez MeilleursAgents. « La baisse des taux de crédit combinée à la hausse des revenus pourrait enfin redonner un peu d’oxygène au marché. » Une déclaration faite au micro d’Ariane Artinian dans Mon Podcast Immo, le 12 septembre 2024.
Vous voulez absolument poser bagage dans la ville lumière ? Voici nos conseils :
Profitez de la baisse des taux : qui dit taux plus bas, dit capacité d’emprunt plus élevée, de quoi gagner quelques mètres carrés supplémentaires.
Faites jouer la concurrence bancaire : d’une banque à une autre, en fonction de votre profil, vous pouvez avoir des taux différents et parfois jusqu’à 0,5 point d’écart. Ce qui peut, au bout du compte, faire une jolie somme.
Explorez les arrondissements périphériques, voire la petite couronne, où les prix sont plus abordables.
Faites appel à un courtier : un bon accompagnement peut vous faire gagner du temps… et de l’argent. Autant en profiter !
En bref, acheter à Paris n’est définitivement plus pareil qu’il y a 20 ans. Entre prix de l’immobilier qui ne cessent d’augmenter et attrait pour les communes périphériques, il est peu probablement que l’on retourne au « Paris accessible ».